Transmutation

J’ai toujours eu tendance à m'évader par le haut, me sauver dans l’univers pour oublier ma physicalité. Et dernièrement, oh que je me sens tirée par les pieds.

Parce que j’ai mal. Presque toute ma vie, j'ai souffert d’une affliction ou d’une autre. Et depuis plus d’un an, mon corps est de nouveau cette chose que je subis, mais cette fois de manière plus détachée. Oui, j’ai mal, mais en même temps, je ne m’y sens plus attachée ni emprisonnée. Je suis découragée, fatiguée d’avance des épreuves à surmonter, mais je ne me sens plus désespérée ni tourmentée. Je ne me sens plus la victime de cette prison de chair, mais plutôt comme sa contrepartie, sa propriétaire. Parfois, je me dis qu’on m’a refilé un vrai citron. D’autres, je suis ébahie par la résilience de mon véhicule, sa faculté à guérir et transcender.

 

Mon ventre, cette partie de mon corps que j’ai toujours détestée, mais aussi ce siège métaphysique de féminité et vulnérabilité que j’ai toujours cherché à contrôler et refouler, aujourd’hui, il crie pour s'exprimer. On dirait qu'il cherche à être reconnu, à être bien traité. J'ai le bas du dos en feu, les hanches liées. Je ne peux plus rien digérer. La nourriture terrestre ne veut plus être absorbée alors, je ne peux y aller que par petites bouchées. Il me faut être attentive à chaque intrant, à chaque activité. À mon état au lever. Chaque minute d’éveil me ramène à mon corps et à a ses capacités.

 

L'œil au milieu de ma tête, lui, fourmille toujours d’une multitude de visions organiques. Parfois belles et fleuries, parfois horribles et grouillantes. Les une se métamorphosant incessamment dans les autres en un kaléidoscope vertigineux. C'est épuisant. Je dors mal. Même mes mantras me fatiguent. J’essaie de rester à l’affût du vide entre les mouvements, les moments de suspension, entre l’inspiration et l’expiration. Il me semble que c’est dans cette pause que se trouve la paix. Sans croissance ni décroissance, on peut finalement juste être (at home). Om.

 

Mes fluctuations me ramènent encore et encore vers le cœur, le seul endroit où je trouve un sens d’équilibre et de plénitude. La connexion avec les autres, avec le monde extérieur et les objets est transitoire, celle avec l’infini est absolue. Ma prière a quelque chose à voir avec la vacuité, avec sauvagement et systématiquement défendre l’espace dans lequel je vis, avec mon existentialité, avec ma question inarticulée aussi longtemps que nécessaire pour entendre la réponse. Après avoir eu besoin de crier, maintenant, j'ai besoin de silence pour entendre ce que l’écho me rapporte.

 

L’hiver est à nos portes. Je m’apprête à m'enfermer dans la saison et tisser mon cocon. Prendre soin de ma guérison. Je me sens comme un bien drôle de papillon.

 

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