Femme

Avril 2022

“Pour moi, le féminin n'a jamais été cute. J'ai souvent mal au cœur de l'image douce de la femme, nourricière, belle, lisse, patiente et soumise. Accessoire. Mon archétype est plutôt femme louve qui montre les dents pour protéger sa portée. Qui sait peut-être aussi dévorer ses petits pour ne pas se laisser mourir de faim. Femme araignée qui voit le présent, le passé et le futur tout en tissant le parallèle des différentes réalités. Femme serpent ondulant dans la poussière, sentant son chemin, le ventre collé à la terre, sensible à chaque vibration, chaque sensation. 

 

C'est une partie de moi qui me fait peur et qui se manifeste de temps en temps par une faim vorace. Rien de passif là-dedans. La matrice, elle aussi, a des rêves et des désirs. Elle n'attend pas simplement de recevoir, parfois, elle demande également. 

 

Le réceptacle de mon ventre aussi a faim. Il meurt d’envie de bien se faire remplir et de jouir et jouir encore. Il a envie de posséder et non de se faire posséder. Ma gorge, elle, a envie de crier, de hurler, de chanter, de grogner. À en faire éclater les vitres et pulvériser les tympans et les cœurs. Les yeux aveugles, les crocs dénudés.” (1)

 

Février 2023

La féminité, c'est un de mes points sensibles, car je n’ai jamais vraiment su comment l’exprimer. Exister dans cette peau est intrinsèquement inconfortable et aliénant. Je ne sais pas comment être moi-même et être femme en même temps.

 

L’hypocrisie dans notre société, c'est que d’un côté il y a la femme qu’on veut marier. La bonne mère, humble, dédiée. Qui fait passer tout le monde avant elle comme un bon tapis d’entrée.

 

Et de l’autre celle qu’on veut baiser.

 

D’une façon comme de l’autre, on reste une machine à servir ou un objet à consommer.

 

Sur l’internet et spécialement dans les réseaux sociaux, on assiste à un phénomène depuis quelques années où les artistes féminins (j’ai envie de dire “doivent”) vont se sexualiser pour attirer l’attention sur leur contenu et le monétiser. Je me dis : “if you got it, flaunt it”. No fucks given. On devrait être libre de monter ou ne pas monter ce qu’on veut de peau et cela ne devrait ni diminuer ni augmenter la valeur de l’individu ou de son travail. Mais en réalité, c'est encore et toujours le marchandage du corps de la femme, au détriment de la personne. 

 

Tatouage réalisé au printemps 2020 par Lili, au Tatouage Collectif, à Gatineau.
Tatouage réalisé au printemps 2020 par Lili, au Tatouage Collectif, à Gatineau.

J’ai déjà essayé de jouer la game.  Je me suis dit que j’avais ce qui fallait tsé. Juste au tournant de la pandémie (certains vont s’en rappeler) j’ai participé au concours de “Inked Magazine” pour faire la couverture. Oui, J'étais motivée par la reconnaissance, mais aussi par un besoin critique de payer mes dettes. J’ai essayé de parler de moi, de faire valoir la personne que je suis et de m’appuyer sur mon travail et sur mes presque 20 années d’expérience dans le domaine pour faire mon chemin dans la compétition. Mais malgré mon succès initial (j’ai remporté le premier tour d’élimination dans mon groupe) j’ai compris rapidement que je suis trop naïve et qu’en 2020, c'est à qui se montre le plus et qui peut faire jouer des réseaux sociaux. En plus d’un inconfort moral grandissant, quand le lockdown est arrivé, j’ai dû me retirer de la compétition pour des raisons de santé mentale et pour prendre soin de ma famille dans ces temps sans précédent.

 

Depuis, j’ai reconsidéré beaucoup ma présence sur l’internet. J’y montre toujours mon travail, qui je le souhaite sait parler de lui-même, mais je ne montre pratiquement plus jamais mon visage. Je sais que d’une manière ça me rend moins “présente”, mais c'est également ma façon de me protéger. Je suis devenue trop sensible aux regards et aux jugements. Et aussi aux messages harcelants. Ma présence, je la garde pour quand vous venez me voir en personne à la place.

 

Malgré tout, la féminité, j'ai encore envie de la célébrer. Comment arrive-t-on à réconcilier l’envie d’être vue avec celle de l’être pour autre chose que son cul? Je n'excuse plus ma sexualité derrière une fausse modestie, mais elle existe selon ses propres termes et elle n'est ni à vendre ni pour les yeux de personne d’autre de celle qui partage mon lit. De plus, mon corps, j’ai choisi de le marquer pour le réclamer, pas pour être remarquée. (2)(3) 

 

Tranquillement, par besoin d’intégrité, je poursuis mon exode des réseaux sociaux vers mon antre privé. Je déconstruis pas à pas le multimédia pour vous réinviter chez moi. Là où on peut se regarder dans les yeux et être vrais, sans ambiguïté et sans tensions.

 

See how she sells sex by the sea shore

All bow down to the super model virgin whore

Look long enough and you’ll pay a price you can’t afford

It only makes you want it more

- "She Sells" by Wookiefoot

 

(1) Lire aussi : Mahakali et le féminin divin

(2) Lire aussi : Le dedans et le dehors

(3) Lire aussi : Tatouages : une étude de genre

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Comments: 1
  • #1

    Sibylle (Tuesday, 14 February 2023 16:38)

    La fameuse dichotomie sainte ou putain. Je pense que toutes les femmes la connaissent et sont plus ou prises dedans. Je me faisait justement la réflexion aujourd’hui à ce sujet. Je me disais que finalement, ma sexualité aura été définie par des hommes qui sont soit des porcs qui n’ont aucun scrupule à toucher mon corps sans y avoir été invités en pensant en avoir les droits ou soit des hommes qui critiquent la personne que je suis et mon histoire sexuelle. Well… my word is: own yourself. Slap the face of the ones that abuse you and invite those you desire but respect you.